Dominique Legrand, Président de l’AN2V (association nationale de la vidéoprotection : http://www.an2v.org), m’a demandé de visionner les vidéos de Cécile Bourgeon, mère de la regrettée petite Fiona, afin de savoir s’il y avait possibilité de déceler rapidement les mensonges de Cécile Bourgeon.
Dominique Legrand a souhaité que je fasse partager mon travail. J’ai choisi cette vidéo, ci-dessous en lien, puisqu’elle permet de voir Cécile Bourgeon à quelques jours des faits et un mois après les faits. Je précise que j’ai pris en compte, comme usuellement, (sans possibilité de vérification de ma part) le fait qu’il semblerait que Cécile Bourgeon se drogue. J’ai intégré aussi sa troisième grossesse. Ces éléments intégrés, je n’ai pas trouvé d’informations modifiant ou tronquant le comportement de Cécile Bourgeon, surtout concernant la drogue. Je précise également que j’ai visionné toutes les vidéos que j’ai pu trouver sur YouTube afin de me faire une idée du schéma de Cécile Bourgeon, n’ayant pas d’autres possibilités pour le faire.
https://www.youtube.com/watch?v=xkrhA6WOY9o
A 0,01mn, la vidéo montre le visage de Cécile Bourgeon commentée par un journaliste constatant le désarroi et l’angoisse sur le visage de la mère recherchant son enfant Fiona. Ce qui est absolument faux puisqu’aucune expression n’apparaît sur le visage de Cécile Bourgeon, contrairement à son avocat d’ailleurs. A cette seconde-là, le doute existe sur l’inquiétude réelle exprimée par Cécile Bourgeon alors que de telles circonstances vécues à chaud devraient montrer des expressions relatives à l’évènement.
Il me parait impossible de s’arrêter sur cette image pour stopper toutes recherches d’incongruence entre des expressions verbales ou non. Je continue donc la lecture de cette vidéo en imaginant que nous fonctionnons tels les Anglo-saxons, soit à la recherche de la preuve.
À 0,06mn, Cécile Bourgeon a la tête baissée en se déplaçant d’un pas vif, là encore, le visage demeure sans expression. Quel que soit le laps de temps entre les deux images qui peuvent très bien ne pas se suivre, cette tête baissée se verra souvent dans les vidéos prises à chaud, soit quelques jours après les faits réels survenus sur sa fille Fiona. Est-ce du remords, de la honte, de la culpabilité ? Est-ce pour cacher quelque chose ? Là encore, ce n’est pas une attitude de « gêne » qui devrait apparaitre chez une mère qui vient de se faire kidnapper son enfant. Sauf si… mais je considère toujours que ce n’est pas suffisant.

À 0,37mn, la mère de Fiona est interviewée et elle prononce ces mots « C’est vraiment un appel au secours » avec des variations dans la voix et ses tonalités tout en faisant non de la tête. Son visage a des expressions d’une femme qui pleure, non à chaudes larmes et un signe pouvant montrer de la tristesse. Pour autant, je ne valide pas de tristesse sur son visage, alors que ses pleurs sont plutôt sincères pour un chagrin moindre que celui qu’elle vit. Elle semble discrète et effacée et peut donc se contenir de s’épancher en public. Ce non de tête en disant que c’est « vraiment » un appel au secours est une incongruence réelle et caractérisée. La preuve qu’il y a mensonge est quant à celle-là très réelle et justifie à elle seule un interrogatoire avec un questionnement ciblé pour obtenir des aveux. Car c’est un aveu dans le sens où Cécile Bourgeon n’appelle pas vraiment au secours. Les mots prononcés sur plusieurs tonalités avec le nom de la tête sans expression réelle ne correspondent pas ensemble. La famille professionnelle du PH.D. Paul Ekman reconnaîtra ce mot : c’est un Hot-Spot.
Malgré cette preuve, je considère toujours que le travail n’est pas suffisant. Elle ment, elle cache quelque chose, c’est évident, mais je décide qu’il en faut plus pour bien assoir le dossier toujours à la recherche des preuves, comme dans les pays anglo-saxons.
À la 38ème seconde, elle finit donc cette phrase d’appel au secours. J’ai vu deux signes se suivre : le 1er de tristesse pas très prononcé, mais qui me semble réel, puis, juste après, un 2ème signe qui ressemble fortement à du dégout en micro-expression. Elle renifle, cherche ses mots, n’a pas de phrase construite et le signe de dégout apparaît, suivi de ses propos : « et pi bin ! ». Une nouvelle belle incongruence, cette fois-ci, qui ressemble terriblement à l’aveu de culpabilité. Comment exprimer du dégout, juste après de la tristesse qui plus est, quand on cherche son enfant kidnappé et qu’on appelle au secours ! La colère, la peur peut être et surtout de la tristesse devraient envahir cette mère. En aucun cas le dégout.
À 0,41mn, Cécile Bourgeon a des yeux bas et fuyants avec des mouvements négatifs de la tête de nouveau et dit : « Voilà, retrouvez Fiona, c’est tout ». Nouvelle incongruence face aux propos et aux mouvements que je viens d’énoncer.
A ce stade de la vidéo, sachant qu’elle a été faite les tous premiers jours de la médiatisation de l’affaire, avec une expertise dédiée, on pouvait prouver que Cécile Bourgeon mentait et avait une part de responsabilité non négligeable dans la disparition de sa fille Fiona. Ce type de travail aurait été pris en compte et mis en application dans d’autres pays en tant que preuves et auraient permis de réduire, et le temps de travail, et le temps de recherche, et le temps des aveux de Cécile Bourgeon, en quelques heures, maximum deux jours seulement après la lecture de cette vidéo.
Un mois après les faits, Cécile Bourgeon est interviewée chez son avocat. Cette vidéo est intégrée à celle-ci et à 1.26 mn, cette maman est calme, presque neutre d’émotions, avec le même schéma qu’après les faits et sans expression réelle.
À 1.28 mn, les sourcils de Cécile Bourgeon ainsi que ses yeux marquent la surprise tout en disant « Je culpabilise beaucoup » et toujours sans aucune expression appropriée au fait qu’une mère n’a toujours pas retrouvé son enfant kidnappé. Être surpris en disant que l’on culpabilise, c’est là encore une très belle incongruence ! Qui en montrera toute une série d’autres que j’énumère ci-dessous.

À 1,32mn « J’suis beaucoup dans… le sentiment de honte» : là encore des phrases non finies, les yeux baissés, le visage neutre, une voix hésitante, des recherches de mots, le ton bas de la voix… Puis un sourire se lit sur le visage de Cécile Bourgeon toujours ponctué de cet étonnement !
À 1,35mn : « j’ai quand même perdu ma fille » avec un mouvement de recul de la tête, repli du haut du corps et de mâchoire avancée, dit avec une voix haute sachant que les propos sont redondants. Rien ne se synchronise une fois de plus entre les mouvements faciaux et les propos dits par Cécile Bourgeon. Elle a perdu sa fille avec un mouvement bien particulier : encore un aveu !
À 1,38mn : la mère de Fiona répète avec cette même expression de surprise qui ne semble pas la quitter avec le mouvement d’une épaule, puis ses épaules se replient : « On m’a enlevé ma fille ! ». C’est un signe corporel évoquant une gêne relative aux propos exprimés.
« Honte », « perdu ma fille », « culpabilité », des mots exprimés par Cécile Bourgeon avec des attitudes non synchronisées et de gêne : que des aveux en cascade en quelques secondes dans cette vidéo.
Je confirme que quatre mois d’investigations auraient pu être évités en faisant visionner ce genre de vidéo par des experts en analyse comportementale et détection du mensonge notamment afin de déceler les Hot-Spot ou incongruences tout en épaulant les interrogatoires avec un questionnement ajusté, précis afin que la vérité soit dite.
Ce genre de travail est une fois de plus pratiqué au-delà de nos frontières et considéré même, selon le pays, comme preuve juridique.
Dominique LEGRAND conclue de la manière suivante, suite à la lecture de cet article :
Je trouve l’expertise de Nadine G-Touzeau très pertinente. Cette science n’est généralement pas connue en France, pas enseignée, voire méprisée. Et pourtant ! Le résultat est le suivant : Combien a (réellement) coûté cette enquête ? Ne pouvions pas faire différemment ? Concernant nos métiers, la vidéoprotection est très facilement montrée du doigt pour son inefficacité et son coût, mais combien a coûté ces moyens humains et logistiques mobilisés durant des semaines (Police, Police Technique et Scientifique, Justice, avocats…). En 2014, l’AN2V pense réfléchir via une réunion thématique sur l’impact potentiel de ces techniques de PNL, afin d’en comprendre ses possibilités et ses limites techniques et juridiques. En mixant cette connaissance à nos mondes habituels, il serait possible d’apporter de nouvelles idées sur l’analyse d’image automatique (vidéosurveillance intelligente) ou aider à parfaire la formation des opérateurs de vidéoprotection, des enquêteurs. + d’efficacité en amont permet de tendre vers la prévention, la proactivité. Cette science de la PNL peut et doit nous aider à éviter certains passages à l’acte, c’est ce que demande nos concitoyens (chaque fait évité est une victime en moins !) et ce sera possible au travers de l’œil humain sensibilisé à ces techniques, voire directement dans les caméras sur certains niveaux de compréhension basiques mais qui seront bientôt facilement programmables donc performants (Intelligence Artificielle, moteurs d’inférences…). La tâche est prospective à moyen terme, mais nous y croyons. Merci Nadine pour cette démonstration brillante.
Nadine TOUZEAU
Analyste comportementale et environnementale
Profiler
19/09/2013
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